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Le maitre Hsi Yun : le mental cosmique

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Statue de maître Hsi Yun

Statue de maître Hsi Yun

LE MAITRE HSI YUN LE MENTAL COSMIQUE

SELON LA DOCTRINE DE HUANG PO

Selon les Annales de PEI HSIU Érudit bien connu sous la Dynastie Tang


« La Doctrine de Huang Pu, ou Doctrine du Mental cosmique » ou bien, pour lui donner son appellation chinoise : « Huang Po Ch'uan Fa Yao » est l'une des œuvres les plus importantes parmi les nombreux textes chinois exposant les doctrines de la secte Dhyâna (Ch'an ou Zen). Elle forme, à elle seule, un traité presque complet des principales doctrines de cette secte.


LES ENSEIGNEMENTS DE HSI YUN


Deux raisons rendent très difficile le résumé des principes essentiels de la secte Dhyâna : 1° ces enseignements ne s'appuient sur aucun sûtra particulier (sauf si l'on admet qu'ils dérivent du Lankâvatâra sûtra) ; 2° la transmission réelle de ces enseignements s'effectue uniquement par compréhension intuitive de maître à disciple. Suivant la croyance des membres de cette secte, aucune parole n'a le pouvoir d'exprimer ce qui est réellement transmis par cette voie ; c'est pourquoi l'on utilise souvent l'expression « enseignement sans parole » ; cette expression apparaît dans presque tous les écrits des maîtres dhyânistes. Dans son « Buddhist China », Sir Reginald Johnston suggère l'existence d'un certain nombre de points communs entre les doctrines de cette secte et celles des mystiques chrétiens. Il cite par exemple : Blake, Eckhart, W.R. Inge, G.R.S. Mead et d'autres encore. Je ne suis cependant pas certain qu'il soit justifié de considérer dhyâna comme une forme de mysticisme.


Je n'ai pas entrepris ici un résumé de la doctrine Dhyâna tout entière. Je me suis borné à une esquisse des enseignements contenus dans cet ouvrage, esquisse sans laquelle un lecteur peu familiarisé avec ce sujet pourrait se trouver gêné, d'une part par l'absence de plan dans la rédaction du livre, et d'autre part parce que Pei Hsiu considère le lecteur comme déjà initié aux doctrines du Bouddhisme mahayaniste.


L'expression « Mental cosmique » (hsin ou i-hsin) est ici synonyme de l'Absolu. Il ne faudrait pas croire que ce terme a été choisi parce qu'il exprime exactement la conception de l'Absolu selon la secte Dhyâna ; il l'a été simplement à défaut d'une expression plus exacte. Le choix du mot « Mental » s'explique probablement ainsi : il souligne que cette partie de lui-même que l'homme pourrait regarder comme une entité individuelle habitant son corps n'est en réalité rien de tel, mais qu'il s'agit de quelque chose de commun à tous les êtres sensibles. Sans doute l'emploie-t-on aussi pour éviter que l'on suppose tangible la substance qui façonne toutes choses. « Hsin » est également employé dans le sens de « mentation » ; c'est ainsi que je l'ai traduit en m'en rapportant à Suzuki. Dans une traduction littérale j'aurais été entraîné à écrire: « mettre fin au mental afin d'atteindre le mental ».


Par conséquent le Mental cosmique est sans attribut ; étant l'Absolu, il est au delà de tout attribut. Si par exemple on le décrivait comme infini, tout ce qui est fini s'en trouverait exclu ; or, toute l'argumentation de ce livre tend à démontrer que le Mental cosmique est la seule Réalité : tout ce que nous sommes, tout ce que nous percevons au moyen des sens n'est rien d'autre que ce Mental. Penser au Mental cosmique en terme d'existence ou de non-existence est même le fait d'une compréhension complètement erronée. De nombreux textes mahayanistes — et particulièrement ceux de la secte Dhyâna abondent en contradictions apparentes, telles que : « il n'y a ni existence ni non-existence », ou « la chaîne de la causalité est immobile ». Parfois, les écrivains occidentaux tentent de résoudre ces contradictions en leur donnant un sens mystique. A la suite de Sir Reginald Johnston, ils croient voir dans certains aspects du Bouddhisme mahayaniste une contrepartie du mysticisme européen. A mon avis cette opinion est inexacte. Le « Chung Kuan Lun » ( Mûla-Mâdhyamika Kârikâ, attribué au grand Nâgârjuna qui vécut au Ier siècle après J.-C.). nous offre une compréhension plus claire du problème ; il prouve que les termes d'existence et de non-existence doivent être compris au sens relatif et non au sens absolu. Il écrit : « Les choses sont non-existantes puisque leur existence dépend de causes et de conditions, et elles ne sont pas non-existantes puisqu'elles s'élèvent de ces conditions ». Seng Chao (moine vivant au 4e siècle) dit : « L'existence, si elle est absolue, implique l'indépendance et la permanence, elle n'a pas besoin, pour exister, de causes qui la suscitent. De même la non-existence, si elle est absolue, implique l'indépendance et la permanence, elle n'a pas besoin, pour ne pas exister, de causes qui la suscitent ».


Par conséquent, le problème de l'existence et de la non-existence se résout ainsi : considéré sous l'angle de l'Absolu, tout est Un (le Mental cosmique). On peut donc affirmer que les objets perçus par nos sens n'existent pas au sens absolu. Ce sont des agglomérations temporaires réunies pour une durée insignifiante par rapport à l'éternité, puis elles se dissolvent. (Il est intéressant de comparer ceci aux théories modernes sur la relativité et la structure atomique des corps.) L'assemblage et la dissolution des objets sont gouvernés par la loi de causalité. Chaque chose est le résultat d'un nombre incalculable de causes dont la chaîne remonte indéfiniment. Il n'y a donc rien dont l'existence soit permanente ou qui existe par soi-même indépendamment de toute cause. Puisqu'il en est ainsi, il n'y a rien dont on puisse affirmer l'existence absolue et c'est pourquoi les bouddhistes mahayanistes utilisent souvent cette expression : « rien n'existe » qui, cependant, est généralement suivie de son opposé : « il n'y a rien qui n'existe pas », c'est-à-dire qu'il n'y a rien qui n'existe potentiellement en l'Absolu.


Pour plus de facilité nous pouvons dire que l'être humain possède un corps, un « moi », et un « soi réel ». Le corps ne se différencie pas des objets perçus par nos sens, il est irréel en tant que phénomène temporaire résultant de l'interaction de causes et d'effets. Ce que l'on appelle le « moi » (le mental, l'âme, l'ego ou l'esprit, etc.) est une entité également illusoire composée des cinq agrégats : la forme, la sensation, la perception, la discrimination et la conscience. Il tire son individualité apparente uniquement des impressions reçues par les sens. Le « soi réel » est au delà du « moi », il est l'Absolu dans lequel toute distinction se résorbe et qui, par conséquent, est identique au « Soi » de tous les êtres sensibles. (Ainsi que nous le verrons, Hsi Yun désapprouve ces distinctions entre le « moi » et le « soi » car il craint qu'elles ne suggèrent l'existence d'une entité telle que le « moi » ou « mental ordinaire »). L'individu non illuminé (le terme « individu » peut être utilisé dans un sens relatif) prend constamment le « moi » pour le « soi réel », il se laisse aller aux désirs et aux appétits qui sont à l'origine de l'existence apparente de l'ego, il renforce ainsi le sentiment d'individualité qui l'empêche d'appréhender la vérité.


La secte Dhyâna tient pour certain que les autres sectes ou écoles bouddhiques sont destinées à ceux qui sont incapables de comprendre l'erreur des distinctions et l'identité des opposés dans l'Absolu. C'est pourquoi, est-il dit, le but de ces écoles est d'entraîner leurs disciples à progresser vers la vérité au cours d'innombrables kalpas (éons) de réincarnations (tous les bouddhistes croient à la réincarnation), au moyen de pratiques susceptibles de leur faire percevoir enfin la vérité et « appréhender leur nature véritable ». Par contre, la secte Dhyâna offre un raccourci à ceux qui sont capables de s'y engager. « Puisque nous ne faisons déjà qu'un avec l'Absolu, nous n'avons rien à pratiquer, rien à accomplir, rien à atteindre ». La seule chose nécessaire est un éveil soudain à cette unité. Un tel éveil, enseigne-t-on, mettra immédiatement fin à l'action de la causalité (origine de nos perpétuelles renaissances), en bannissant le désir, l'aversion et l'ignorance, toutes choses qui maintiennent en mouvement la chaîne des causes et des effets.


L'ouvrage parle peu de la pratique des exercices de dhyâna (méditation ou concentration). On suppose que le lecteur est bouddhiste et que son erreur consiste non pas en l'absence de pratique, mais en une pratique erronée. De nombreux bouddhistes conçoivent le monde phénoménal comme une pure illusion. Ils essaient d'y échapper en employant différentes méthodes de concentration mentale qu'ils nomment également dhyâna, mais leurs efforts pour éliminer tout phénomène de leur mental suppose une distinction entre le réel et l'irréel. Hsi Yun déclare que tous ces objets mêmes que nos yeux rencontrent sont l'Absolu ; c'est pourquoi il lui semble futile d'écarter quoi que ce soit ; une telle méthode implique une incompréhension de dhyâna. Le but n'est pas de tout rejeter, mais d'atteindre un état d'où l'on prenne conscience du vide de toute distinction. On y accède en arrêtant le processus de mentation (voir le commentaire de la section 34), c'est-à-dire en cessant de penser aux objets des sens en termes d'attraction et de répulsion, ou en catégories d'existence et de non-existence. Cela ne signifie pas que l'on doive s'efforcer de vider le mental de tout contenu, car, suivant les paroles du 6e Patriarche, le mental ne vaudrait alors pas plus qu'une bûche de bois ; de plus, il deviendrait incapable de prendre part aux faits de la vie journalière et ne pourrait d'ailleurs se maintenir longtemps dans cet état. Le sens réel de cette déclaration est un enseignement de détachement total à l'égard de toute perception des sens, grâce à la certitude que tous les attributs particuliers qui rendent un objet attrayant à l'encontre d'un autre, sont, en réalité, impermanents et non-existants au sens absolu du mot. Selon cette doctrine, il ne peut y avoir d'Illumination partielle. La réalité est au delà des apparences, elle est saisie ou elle ne l'est pas. Finalement, cette compréhension jaillira dans un éclair. C'est ce que la tradition rapporte au sujet de Mahâ-Kâshyapa. Dans son cas, l'éclair jaillit à l'instant où il vit la fleur dans la main du Bouddha. Cependant, il est insuffisant de vivre tout bonnement, ainsi que le font généralement les hommes non-illuminés, avec l'espoir que l'éclair jaillira. Le mental doit subir une préparation et c'est justement cette préparation que l'on appelle dhyâna. Dhyâna consiste à tourner le mental vers l'intérieur pour essayer d'appréhender la réalité située à l'arrière de ce nous nous plaisons à nommer « nous-mêmes » et, incidemment, à l'arrière de toutes choses. Théoriquement, la contemplation d'objets extérieurs doit mener au même but, mais les réactions sensorielles suscitées par les phénomènes perçus créent des complications presque insurmontables. C'est pourquoi les maîtres dhyânistes préconisent de tourner le mental vers l'intérieur et non pas vers l'extérieur.


PRÉFACE DE PEI HSIU


Hsi Yun, grand Maître dhyâniste, habitait le Pic des Vautours, au mont Huang Po, dans le district de Kao An, dépendant de la Préfecture de Hung Chou. Il fut le troisième descendant de la lignée directe du 6e Patriarche Hui Neng et le neveu spirituel du Vénérable Huai Hai. N'appréciant que la seule méthode intuitive, incommunicable en paroles, du Véhicule le plus élevé, il n'enseigna rien d'autre que la doctrine du Mental cosmique, car il estimait qu'il n'est rien d'autre à enseigner, puisque mental et substance sont tous deux vides, et puisque la chaîne de causalité est, en réalité, immobile. Le mental est semblable au soleil parcourant le ciel et irradiant une lumière glorieuse que ne souille pas le plus petit grain de poussière. Pour ceux qui ont réalisé la nature de la Réalité, rien n'est vieux ni jeune et, pour eux, les conceptions profondes ou superficielles sont dénuées de sens. Ceux qui parlent de cette Réalité ne tentent pas de l'« expliquer », ils ne fondent aucune secte et n'en discourent pas à tout venant. Ce qui est devant vous est Cela. Dès que vous commencez à raisonner sur Cela, vous tombez immédiatement dans l'erreur. Lorsque vous l'aurez compris, alors seulement vous percevrez que vous ne faites qu'un avec votre nature de Bouddha originelle. C'est pourquoi les paroles de Hsi Yun étaient simples, son raisonnement, direct, sa manière de vivre, élevée et ses actes différents de ceux des autres hommes. De toutes les régions, les disciples affluaient vers lui ; ils le regardaient comme une sublime montagne de spiritualité et, grâce à leurs contacts avec lui, ils s'éveillaient à la Réalité. La foule rassemblée autour de lui comptait toujours plus de mille personnes à la fois.


La deuxième année de Hui Chang (843 après J.C.), lorsque j'étais fonctionnaire dans le district de Chung Ling, j'accueillis Hsi Yun à son arrivée dans cette ville ; il venait de la montagne où il habitait. Nous séjournâmes ensemble au Temple de Lung Hsing ; là, je le questionnai nuit et jour sur la Voie. Ensuite, la deuxième année de Tai Chung (849 après J.-C.), tandis que j'avais une charge dans le district de Wan Ling, j'eus encore une fois l'occasion de lui souhaiter cérémonieusement la bienvenue dans le lieu où mon poste me retenait.. Cette fois, nous restâmes paisiblement dans le Temple de K'ai Yuan et, là aussi, j'étudiai jour et nuit sous sa tutelle. Après l'avoir quitté, je mis par écrit ce que j'avais appris et bien que je ne fusse capable d'en écrire que le cinquième, j'estimai que c'était pourtant une transmission directe de la Doctrine. Tout d'abord je n'osai publier mes écrits ; maintenant, craignant que ces enseignements vitaux et pénétrants ne fussent perdus pour les générations futures, je les publie. En outre, j'ai donné le manuscrit aux moines T'ai Chou et Fa Chien, je les ai priés de se rendre au Temple Kuang T'ang, sur la vieille montagne, et de demander aux moines âgés si mon manuscrit concorde avec les enseignements qu'eux-mêmes ont reçu autrefois.


LA DOCTRINE DE HSI YUN SELON LES ANNALES DE PEI HSIU


(1) S'adressant à moi, le Maitre dit : Tous les Bouddhas et tous les êtres sensibles ne sont rien d'autre que le Mental cosmique, en dehors duquel rien n'existe, qui a toujours existé, non-né et indestructible. Cela n'est ni vert ni jaune, et n'a ni forme ni apparence. Cela ne peut être classé dans aucune catégorie : soit des choses existantes, soit des choses non-existantes ; cela ne peut pas davantage être considéré comme une chose nouvelle ou ancienne. Cela n'est ni long ni court, ni grand ni petit, mais transcende toute limite, toute mesure, tonte dénomination, toute parole et toute méthode de concrétisation. Cela est la substance sur laquelle se pose le regard — mais tout raisonnement sur sa nature tombe aussitôt dans l'erreur. Semblable au vide sans limite il ne peut être ni sondé ni mesuré. Seul ce Mental cosmique est le Bouddha ; entre le Bouddha et les êtres sensibles il n'y a aucune distinction, mais ces derniers sont attachés aux formes, c'est pourquoi ils cherchent la Bouddhéité hors d'elle-même. Une telle recherche les égare et produit le contraire du résultat qu'ils désirent car ils emploient Bouddha à chercher Bouddha et le mental à saisir le mental. Mais s'ils s'épuisent en grands efforts pendant un kalpa entier, ils ne seront pas capables d'atteindre leur but. Ils ne savent comment arrêter leurs pensées et oublier leur angoisse. Le Bouddha est devant eux, car ce Mental cosmique est le Bouddha, et le Bouddha est tous les êtres vivants. Ce Mental n'est pas moins manifesté dans les êtres ordinaires ni plus manifesté dans le Bouddha.


(2) En accomplissant les six pâramitâs et bon nombre d'autres pratiques similaires, on obtient une somme de mérites aussi incalculable que les grains de sable du Gange, mais puisque, par essence et à tous égards, vous êtes un être parfait, vous ne devriez pas tenter d'accroître cette perfection au moyen de pratiques aussi dénuées de sens. Lorsque l'occasion s'en présente, accomplissez des actes charitables, et lorsqu'elle est passée, restez paisible. Si vous n'êtes pas complètement convaincu que ceci — le mental — est le Bouddha, si vous êtes attaché aux formes, aux pratiques et aux observances par lesquelles on accumule des mérites, votre point de vue est sans rapport avec la Réalité, il est radicalement incompatible avec la Voie. Le mental EST le Bouddha, il n'y a pas d'autre Bouddha, et pas d'autre Mental. Ce mental est brillant et pur comme le vide, il n'a aucune forme et aucune apparence. Faire usage du mental pour la pensée (au sens habituel de ce mot) équivaut à abandonner la substance pour se lier soi-même aux formes. Le Bouddha qui existe de toute éternité, ne témoigne jamais un tel attachement aux formes. Si vous pratiquez les six pâramitâs et des myriades d'autres exercices en vue d'accéder par ces moyens à la Bouddhéité, vous croyez que vous avancerez par étapes, mais le Bouddha qui a toujours existé n'est pas un Bouddha auquel on parvient par étapes. Éveillez-vous seulement au Mental cosmique, et réalisez qu'il n'y a rien d'autre à atteindre. C'est là le vrai Bouddha. Le Bouddha et tous les êtres sensibles sont le Mental cosmique, et rien d'autre.


(3) De même que le soleil tourne dans l'espace et brille sur les quatre coins du monde, ainsi le mental, semblable au vide, ne connaît ni trouble ni mal. Quand le soleil se lève et illumine la terre entière, ce n'est pas le vide qui est brillant ; et quand le soleil se couche et qu'il fait nuit, ce n'est pas le vide qui est obscur. Les phénomènes de lumière et d'obscurité alternent, mais la nature du vide demeure inchangée. Il en est de même du mental du Bouddha et de tous les êtres sensibles. Si vous vous représentez le Bouddha avec une apparence pure, brillante et illuminée, ou si vous vous représentez les êtres sensibles avec une apparence souillée, sombre et transitoire, de telles conceptions vous empêcheront, en raison de votre attachement aux formes, d'atteindre à la connaissance suprême ( Bodhi), même après avoir traversé autant de kalpas qu'il y a de grains de sable dans le lit du Gange. Il n'y a que le Mental cosmique et pas la moindre particule de quoi que ce soit d'autre dont on puisse se saisir, car ce Mental est le Bouddha. Ceux qui étudient et suivent la Voie, et qui pourtant ne s'éveillent pas à cette substance mentale, créent toutes sortes d'imaginations ; ils cherchent le Bouddha â l'extérieur d'eux-mêmes et restent attachés aux formes, aux pratiques et aux observances, toutes choses nuisibles et hors du chemin qui mène à la connaissance suprême.


(4) Faire des offrandes à tous les Bouddhas de l'univers ne vaut pas l'offrande faite à un seul adepte de la Voie, délivré de toute imagination. Pourquoi ? Parce qu'un tel adepte est au delà de toute activité imaginative sous quelque forme que ce soit. La substance de l'Absolu a deux aspects : intérieurement, elle est comme le bois ou la pierre, elle est immuable ; extérieurement, elle est semblable au vide, sans limite ni entrave. Cela n'est ni subjectif ni objectif, cela est sans localisation spécifique, étant sans forme. C'est pourquoi cela ne peut être perdu. Ceux qui se hâtent vers cet état n'osent pas y entrer de peur de s'effondrer dans le vide sans y rien trouver pour se cramponner et prévenir leur chute. C'est ainsi qu'ils tournent leurs regards vers le rivage et battent en retraite, comme font, par exemple, ceux qui cherchent le but au moyen de l'intellect. Ceux qui cherchent le but intellectuellement sont comme les poils d'une fourrure (le grand nombre), et ceux qui obtiennent la connaissance intuitive de la Voie sont comme les cornes (le petit nombre).


(5) Manjusri représente la loi primordiale, et Samantabhadra le devenir. Le premier symbolise l'aspect de la Réalité en tant que vide illimité, et le second représente les possibilités innombrables au delà du monde des phénomènes. Avalokiteswara est l'emblème de la compassion sans borne ; mahâsthama est l'image de la grande sagesse, et vimalakirti est le « nom sans souillure ». La pureté est une qualité fondamentale, le nom est la forme, mais la forme, en réalité, est une avec la nature réelle, d'où ce terme combiné de « nom sans souillure ». Toutes ces qualités, épanouies chez les grands Bodhisattvas, sont inhérentes aux hommes et ne sont pas distinctes du Mental cosmique. Eveillez-vous à leur présence en vous et elles se manifesteront. Ceux qui étudient la Voie, et ne sont cependant pas conscients de la présence de ces qualités dans leur propre mental, ceux qui, eu raison de leur attachement aux apparences, cherchent quelque chose d'objectif en dehors de leur mental, ceux-là tournent le dos à la Voie. Le sable du Gange ! Le Bouddha disait à propos de ce sable : « Si tous les Bouddhas, les Bodhisattvas, Indra et tous les dieux foulent ce sable de leurs pieds, il ne s'en réjouit pas ; et si les bœufs, les moutons, les reptiles et les insectes le piétinent, il n'en éprouve aucune colère. Il n'a ni attraction pour les joyaux et les parfums, ni répulsion pour la fiente et l'urine ».


(6) Ce Mental cosmique n'est pas le mental au sens habituel du mot ; il est sans attache avec les formes ; ainsi en est-il des Bouddhas et des êtres sensibles. Quand ces derniers réussiront à se débarrasser de toute imagination, ils auront tout accompli. Mais si ceux qui étudient la Voie ne surmontent pas l'activité imaginative dans un éclair, bien qu'ils luttent durant de nombreux kalpas, ils n'y parviendront jamais. Pris au piège des pratiques méritoires des trois Véhicules, ils seront incapables d'atteindre l'Illumination. Néanmoins, la réalisation du Mental cosmique peut jaillir soudainement, ou après un effort plus ou moins long. Certains l'atteignent en entendant prêcher ce dharma, et, dans un éclair d'intuition, ils s'élèvent au delà de toute forme d'imagination. D'autres obtiennent la même chose par la méthode des Dix Croyances, des Dix Stages, des Dix Activités et des Dix Dons de Mérite. D'autres encore y parviennent en parcourant les Dix Stages progressifs des Bodhisattvas. Mais que la réalisation survienne au terme d'un chemin direct ou indirect, le résultat est l'accès à un état d'existence pure, et non l'accomplissement ou l'obtention de quelque chose. Qu'il n'y ait là rien que l'on puisse saisir n'est pas une vaine parole, c'est la vérité. Plus encore : que vous parveniez au but dans un éclair d'intuition ou après avoir parcouru les Dix Etapes Progressives des Bodhisattvas, l'Illumination sera la même dans les deux cas, puisque cet état n'admet pas de degré, mais la seconde méthode nécessite plusieurs kalpas de souffrances et de labeur inutiles.


(7) L'accomplissement de bonnes ou de mauvaises actions implique un égal attachement aux formes. Ceux que leur attachement aux formes conduit à faire le mal se réincarneront dans différentes catégories d'existence et cela bien inutilement. Ceux que leur attachement aux formes entraîne à faire le bien renaîtront de même en vain dans le travail et les soucis. En définitive, ni les premiers ni les seconds ne reconnaissent le Dharma fondamental ni ne s'y attachent. Ce Dharma est le mental au delà duquel il n'y a pas de Dharma, et ce mental est le Dharma au delà duquel il n'y a pas de mental. Ce mental n'est pas « mental » au sens habituel de ce mot ; il n'est pas non plus « non-mental », car l'affirmation « non-mental » impliquerait la possibilité de la contradiction. C'est quelque chose qui ne peut être défini par des mots, mais qui doit être compris intuitivement. Et puisque toute intellection doit être éliminée, la parole doit être évitée et l'imagination écartée. Ce mental est la pure essence du Bouddha, origine de toute chose, et inhérente à tout être. 'Tous les êtres animés et doués de vie affective, tous les Bouddhas et les Bodhisattvas sont de la même substance, ils ne sont pas différents les uns des autres. Seule, la pensée erronée donne naissance à la différenciation et par là toutes sortes de karma sont créées.


(8) En toute vérité, notre nature originelle de bouddha n'est rien qui puisse être appréhendé. Cela est vide, omniprésent, silencieux et pur, c'est une plénitude de paix glorieuse et mystérieuse. C’est tout ce que l'on peut en dire. Eveillez-vous vous même à cette nature, sondez ses profondeurs. Cette nature bouddhique originelle est devenue vous dans toute son intégrité, sans la moindre lacune. Même si vous parcourez, degré par degré les étapes du Bodhisattva vers la bouddhéité, lorsque enfin, dans un simple éclair d’intuition vous atteindrez à la pleine réalisation, vous réaliserez uniquement votre nature bouddhique originelle. Toutes les étapes parcourues antérieurement n'y auront pas ajouté la moindre chose. Vous regarderez simplement tous les kalpas, écoulés dans l'effort et le travail, comme autant d'actions irréelles accomplies dans un rêve. C'est pourquoi le Tathâgata a dit : « En vérité, je n'ai rien acquis au cours de cette Illumination complète et incomparable. S'il y avait eu là quelque chose de nouveau à acquérir, Dipamkara Bouddha n'aurait fait aucune prophétie à mon sujet ». Il a dit encore : « Ce Dharma est absolument sans distinction, n'ayant ni hauteur ni profondeur, son nom est Bodhi ». Cela est le pur mental, origine de toutes choses, apparaissant sous l'aspect des êtres sensibles, d'un Bouddha, des rivières et des montagnes du monde, avec forme ou sans forme, ou sous l'aspect de l'univers entier. Ce pur mental est radicalement homogène car il n'y a aucune distinction entre le soi et le non-soi.


(9) Ce pur mental, origine de toutes choses, brille sur tout par l'éclat de sa propre perfection, mais les gens de ce monde ne prennent pas conscience de Lui, car ils ne considèrent comme mental que ce qui voit, entend, sent, connaît. Leur compréhension étant voilée par les perceptions de la vue, de l'ouïe, des sentiments et du savoir, ils ne perçoivent pas la magnificence de la Substance Primordiale. S'ils étaient seulement capables d'éliminer, en un éclair, toute imagination, cette Substance Primordiale se manifesterait d'Elle-même, comme le soleil s'élevant à travers l'espace illumine l'univers entier sans rencontrer ni obstacle ni limite. C'est pourquoi, si les étudiants de la Voie considèrent la vue, l'ouïe, les sentiments et le savoir seulement comme leurs propres activités, la privation de ces perceptions leur coupe la voie vers une compréhension du mental et les laisse dans une impasse. Il faut reconnaître que le mental réel s'exprime dans ces perceptions, mais, d'une part, sans dépendre d'elles, et d'autre part, sans être distinct d'elles. Aucun raisonnement ne devrait reposer sur ces perceptions ni aucune pensée s'y opposer. Il ne faudrait cependant pas chercher le Mental cosmique en dehors d'elles ni les abandonner dans votre poursuite du Dharma. Ne vous y agrippez pas, ne les abandonnez pas, n'habitez pas en elles et n'y adhérez pas. Exister indépendamment de tout ce qui est au-dessus, au-dessous, ou en dehors de vous, car il n'y a aucun lieu où la Voie ne puisse être suivie.


(10) Alors que les gens de ce monde cherchent l'enseignement de la Voie, tous les Bouddhas proclament la doctrine du Mental cosmique. Si l'on tient pour certain qu'il existe une chose à réaliser ou à atteindre hors du mental et que l'on utilise le mental dans cette recherche, cela implique une erreur de compréhension ; en effet le mental et l'objet de sa recherche ne font qu'un. On ne peut utiliser le mental pour chercher quelque chose qui vient du mental car, même après des-millions de kalpas de cet effort, le jour du succès ne luira pas. De telles méthodes ne peuvent entrer en comparaison avec celle qui consiste à arrêter subitement toute imagination, ce qui constitue le Dharma fondamental. Supposez le cas suivant un guerrier porte sur son front une perle qu'il croit avoir perdue. Il part à sa recherche et bien qu'il parcoure l'univers entier, il ne la trouvera jamais. Mais si quelqu'un s'aperçoit de sa méprise et lui montre la perle du doigt, instantanément il réalisera que la perle n'a pas quitté sa place. De même, si les étudiants de la Voie se trompent au sujet de leur propre mental, et ne le reconnaissent pas comme le Bouddha, ils le cherchent évidemment partout, se laissent aller à suivre diverses pratiques et placent leur confiance dans une méthode progressive pour atteindre l'Illumination. Mais, même après avoir vécu des siècles et des siècles en diligentes recherches, ils seront toujours incapables de parvenir jusqu'à la Voie. On ne peut comparer de telles méthodes avec celle qui consiste à supprimer immédiatement toute mentation, connaissant avec certitude que rien n'a d'existence absolue, qu'il n'y a rien sur quoi s'appuyer, rien sur quoi l'on puisse compter, rien en quoi l'on puisse demeurer, qu'il n'y a rien d'objectif ni rien de subjectif. C'est en interdisant à un point de vue erroné de s'installer en vous que vous réaliserez Bodhi, et, à l'instant de la réalisation, vous constaterez que vous réalisez le Bouddha qui a toujours existé dans votre mental. Vous aurez la preuve que tant d'efforts poursuivis au cours de nombreux kalpas l'ont été bien en vain, exactement comme le guerrier, en retrouvant la perle, découvre simplement ce qui de tout temps était sur son front; la découverte de la perle ne dépendait nullement de tous ses efforts pour la retrouver à travers le monde. C'est pourquoi le Bouddha a dit : « Je n'ai rien acquis d'une Illumination complète et incomparable ». De crainte que les gens ne le croient pas, il a recouvert ce qui est vu par les cinq sortes de visions et ce qui est dit par les cinq sortes de paroles. Ce ne sont, en aucun cas, des paroles vides de sens, mais la plus haute des vérités. Dans l'ensemble, cette secte distingue cinq périodes et huit méthodes d'enseignement. Voir pages 6 et 7 du « Japanese Buddhism » de Sir C. Eliot (Arnold, London 1935), où l'auteur nous donne un aperçu bref et lucide de cette classification.


(11) Les étudiants de la Voie ne doivent avoir aucun doute sur les points suivants :

— Puisque le corps est composé de quatre éléments ; puisque ces éléments d'autre part ne constituent pas le « soi » ;

— Puisque même le « soi » n'est pas une entité subjective,

— Nous pouvons en déduire que le corps n'est ni le « Soi » ni une entité subjective.

— En outre, puisque le mental (au sens commun du mot) est composé des cinq agrégats, et

— Puisque ces agrégats ne constituent ni le « soi » ni une entité subjective.

— Nous pouvons en déduire que le mental (d'un individu) n'est ni le « soi », ni une entité subjective. Les Six sens, joints aux six perceptions et aux six objets de perception formant le monde, sensoriel, doivent être compris de la même façon. Ces dix-huit domaines des sens, soit séparément, soit réunis, sont vides puisqu'en réalité il n'existe que le mental, sans limites spatiales et d'une pureté absolue.


(12) Il y a deux manières d'absorber la nourriture : l'on peut « manger avec sensualité », ou e: manger avec sagesse ». Lorsque le corps physique souffre l'angoisse de la faim et que vous le nourrissez sans permettre à l'avidité de se manifester, cela s'appelle : « manger avec sagesse ». Mais si vous cherchez gloutonnement vos délices dans le parfum des mets, vous laissez s'élever des distinctions qui procèdent d'une manière de penser erronée. Rechercher avec complaisance la satisfaction de l'organe du goût sans vous apercevoir que vous avez absorbé suffisamment de nourriture est ce que l'on appelle : « manger avec sensualité ».


(13) Les Sravakas atteignent l'Illumination par l'audition du Dharma ; c'est pourquoi ils portent le nom de « Sravakas » (les auditeurs). Et pourtant, ils ne comprennent pas la vraie nature de leur propre mental et ils argumentent sur la doctrine qu'ils entendent prêcher. Que les mots de « Bodhi » ou de « nirvâna » leur parviennent, par des moyens naturels, ou par bonne fortune, ils n'atteindront la Bouddhéité qu'après une préparation d'une durée de trois infiniment longs kalpas. Tous ceux qui ont été soumis à la loi du Dharma par audition sont appelés : « Sravakas Bouddhas » (les Bouddhas par audition). Mais, prendre immédiatement conscience que votre propre mental est dès maintenant le Bouddha, et qu'il n'y a rien sur quoi vous appuyer, pas la moindre action à accomplir, voilà la Voie suprême conduisant au Bouddha qui n'est autre que l'Absolu. Il est seulement à craindre que les étudiants de la Voie inclinent à doter quelque chose d'une existence absolue, car ils élèveraient par là une barrière entre eux et la Voie. Aucune forme ne subsiste semblable à elle-même, pas même d'une seconde à l'autre. Il n'y a rien qui ait une existence absolue, la durée d'un instant. Telle est la nature du Bouddha. Les étudiants de la Voie qui désirent devenir des Bouddhas n'ont nul besoin d'étudier le Dharma ; ils doivent seulement apprendre à écarter toute recherche (de quelque chose) et renoncer à s'accrocher à quoi que ce soit. Hors de toute recherche, le mental demeurera dans l'état non-né, qui lui est propre. Ne s'accrochant à rien, le mental ne subit aucun processus de destruction. Ce qui n'est pas né ni détruit est le Bouddha. Les quatre-vingt-quatre mille méthodes de combattre les diverses formes d'illusion ne sont que des figures de rhétorique destinées à attirer les gens pour les convertir. En fait, aucune d'elles n'a de réalité. Le renoncement à tout est le Dharma, celui qui comprend cela est un Bouddha. Mais le renoncement à TOUTES les illusions ne laisse même par le Dharma comme appui.


(14) Si l'étudiant de la Voie désire comprendre le mystère réel, il doit extirper de son mental tout attachement pour quoi que ce soit. Si vous affirmez que le Dharmakâya réel du Bouddha a la nature du vide, cela revient à dire qu'effectivement il est vacuité, et qu'en fait la vacuité est le Dharmakâya. On dit couramment que le Dharmakâya est omniprésent dans la vacuité, et que la vacuité contient le Dharmakâya, parce que l'on ne réalise pas que Je Dharmakâya et la vacuité ne font qu'un et sont identiques. Cependant, si vous parlez de la vacuité comme d'une chose douée d'existence objective, ce n'est plus le Dharrnakáya, et si vous parlez du Dharmakâya comme d'une chose douée d'une existence objective ce n'est plus la vacuité. C'est seulement lorsqu'ils ne sont pas définis objectivement qu'ils sont synonymes. La vacuité et le Dharmakâya ne diffèrent pas l'un de l'autre, pas plus que les êtres sensibles ne diffèrent du Bouddha, ni le monde phénoménal du nirvana, ou l'ignorance de la Bodhi. Quand toutes ces formes ont été dépassées: c'est l'état de Bouddha. Les hommes ordinaires regardent vers l'extérieur, tandis que ceux qui suivent la Voie regardent à l'intérieur de leur propre mental ; mais le Dharma réel consiste à oublier tant l'extérieur que l'intérieur. Oublier le premier est relativement facile, oublier le deuxième est très difficile. Les hommes ont peur d'oublier leur propre mental, ils craignent d'être précipités dans le vide sans rien avoir après quoi s'agripper. Ils ignorent que la vacuité n'est pas réellement le vide, mais qu'elle est le royaume éternel du Dharma. Cette nature spirituelle illuminée est sans commencement ni fin, aussi ancienne que l'espace, elle n'est assujettie ni à la naissance ni à la destruction, elle n'est ni existante ni non-existante, ni souillée ni pure, ni bruyante, ni silencieuse, ni vieille ni jeune, sans espace, sans intérieur ni extérieur, sans dimension ni forme, sans couleur ni sonorité. Cela ne peut être ni cherché, ni conçu par la sagesse ou la connaissance, cela ne peut être expliqué par le langage, ni touché matériellement, ni atteint au moyen d'actes méritoires. Tous les Bouddhas et les Bodhisattvas partagent avec tout ce qui a vie cette grandiose nature nirvânique. Cette nature est le mental, le mental est le Bouddha et le Bouddha est le Dharma. Par une seule pensée vous vous séparez vous-même de la Réalité. Toute pensée (empirique) est vaine, car vous ne pouvez utiliser le mental pour chercher ce qui est le mental, ni le Bouddha pour chercher ce qui est le Bouddha, ni le Dharma pour chercher ce qui est le Dharma. Donc les étudiants de la Voie doivent immédiatement réprimer toute imagination. Seule existe la compréhension intuitive et rien de plus, car tout processus mental ordinaire conduit à l'erreur. Cette compréhension se transmet de mental à mental. Tel est le point de vue correct auquel vous devez vous tenir. Ayez soin de ne pas regarder à l'extérieur et de ne pas vous laisser égarer par votre entourage, ne tombez pas dans l'erreur de l'homme qui accueille un voleur en lieu et place de son fils.


(15) L'abstinence, la concentration et la sagesse n'existent que par rapport au désir, à la colère et à l'ignorance. Si l'illusion n'existait pas, comment pourrait-il y avoir de Bodhi ? C'est, pourquoi Bodhidharma dit : « Le Bouddha » a rejeté tous les dharmas, afin de supprimer toutes les formes d'imagination. Si l'imagination n'existait pas de quelle utilité seraient tous les dharmas? Ne vous attachez à rien, sauf à votre pure nature originelle de Bouddha. Supposez que vous vouliez embellir le vide d'un grand nombre de joyaux, vous ne pourriez les maintenir en place. Il en est de même de votre nature bouddhique : bien que vous la pariez d'un monceau de mérites inestimables et de sagesse, ils ne peuvent y demeurer. Mais celui qui est sous l'empire de l'illusion en ce qui concerne cette nature originelle est complète ment incapable de saisir cela ». Ce que l'on appelle la « Doctrine des origines mentales » postule que tout est construction mentale et que ces formes mentales se manifestent d'elles-mêmes lorsqu'elles entrent en contact avec les objets extérieurs et non pas autrement. Mais il n'est pas correct de concevoir des objets extérieurs au delà et au-dessus du pur mental originel. Ce qui est appelé le « Miroir de la concentration et de la sagesse » utilise la vue, l'ouïe, le toucher et la cognitions qui sont alternativement soumis à des périodes de calme et d'agitation ; en outre, les conceptions élaborées par cette voie sont toutes basées sur les objets extérieurs ; ce sont des artifices temporaires destinés aux personnes douées de bonnes tendances appartenant à l'avant-dernière catégorie, et ne pouvant comprendra que ce qui leur est expliqué si vous désirez faire vous-même l'expérience de l'Illumination; vous ne devez vous attacher à aucune des conceptions qui s'appuient sur l'une ou l'autre des méthodes ci-dessus. Finalement, tous les dharmas ayant leur base dans les perceptions sensorielles échoueront en raison de leur objectivité. Le Dharma réel ne peut être appréhendé que par une éradication totale de toute notion objective.


(16) Le premier jour de la neuvième lune, le Maitre me dit : « Après son arrivée en Chine, Bodhidharma ne parla que du Mental cosmique. C'est le seul Dharma qu'il transmit. Il transmettait le Bouddha par le Bouddha, il ne parla d'aucun autre Bouddha. Car ce Dharma est un Dharma que l'on ne peut exprimer en paroles, et le Bouddha est un Bouddha absolument intangible, puisque, tous deux sont le pur mental, source de toutes choses. Voilà l'unique Réalité, tout ce qui en diffère doit être faux. Prajnâ est la Connaissance, mais la Connaissance est aussi ce mental primordial sans forme. Habituellement, les gens ne cherchent pas la Voie, mais s'adonnent simplement à leurs six sens, et c'est ainsi qu'ils traversent les six royaumes de l'existence. Si un étudiant de la Voie se permet d'accorder une pensée même fugitive aux phénomènes, en leur attribuant une existence absolue, il tombera dans le royaume des démons, car une pensée, même fugitive, mène à toutes sortes de perceptions et conduit à une conception fausse de la vérité. Admettre que les choses naissent et qu'elles sont détruites est s'abaisser au rang d'un Sravaka. Admettre que, bien que les choses soient non-nées, elles sont destructibles, est s'abaisser au rang d'un Pratyeka. Les choses ne sont pas nées à leur commencement, et elles ne peuvent pas davantage être détruites maintenant. Rejetez toute notion dualiste et toute attraction ou répulsion, puisque tout ce qui existe est le Mental cosmique. Vous deviendrez alors aptes à monter sur le char des Bouddhas. »


(17) Les imaginations des hommes ordinaires sont conditionnées par leurs contacts avec ce qui les entoure ; ces imaginations sont, par conséquent, imprégnées de désirs et de répulsions. Pour supprimer l'illusion due aux contacts extérieurs, il suffit de mettre fin à l'imagination. Lorsque cela est fait, le champ des perceptions sensorielles se vide. Cependant, si vous cherchez à éliminer tout contact extérieur sans avoir préalablement mis fin à l'activité imaginative, vous n'y réussirez pas, vous ne ferez qu'augmenter le pouvoir perturbateur des perceptions. Puisque les myriades d'objets qui existent ne sont rien d'autre que le mental, le mental intangible, qu'espérez-vous atteindre ? Ceux qui étudient prajnâ (la plus haute sagesse) pensent qu'il n'existe pas une seule chose sur laquelle il soit possible de s'appuyer, et c'est ainsi qu'ils mettent fin à toutes les pensées se rapportant aux trois Véhicules. Il n'y a qu'une seule Réalité, qui ne peut être ni réalisée, ni étreinte. Celui qui dit : « Je suis capable de réaliser quelque chose », ou « je suis capable de saisir quelque chose », celui-là se range de lui-même parmi les orgueilleux. Ce sont de tels hommes qui secouèrent la poussière de leurs vêtements et quittèrent la salle ou le Bouddha prêchait le Sutra de Lotus. Voilà pourquoi le Bouddha s'exprima ainsi : « En vérité, je n'ai rien obtenu de la Bodhi (Illumination) ». Il ne peut rien y avoir d'autre qu'une compréhension intuitive.


(18) Si un homme, sur le point de mourir, est capable de considérer que les cinq agrégats de sa conscience sont vides, que les quatre éléments dont son corps est formé ne constituent pas l'égo, que son vrai mental est sans forme et paisible, que sa vraie Nature n'est pas une chose qui a commencé à sa naissance et qui périra à sa mort, mais que cette vraie Nature est absolument immuable, que son mental et les objets de ses perceptions ne font qu'un, s'il peut s'éveiller à cela, seulement l'éclair d'un instant, et qu'il reste libre, dégagé de l'emprise des Trois Mondes, celui-là en vérité abandonnera ce monde sans aucune tendance à la renaissance. Si encore il contemple la merveilleuse vision de tous les Bouddhas venus l'accueillir, entourés de mille splendeurs, sans éprouver aucun désir d'aller à leur rencontre ; s'il peut supporter la vue de toutes sortes de formes horribles autour de lui, et qu'il ne ressente aucune crainte, mais qu'il reste oublieux de son moi inférieur, fermement un avec l'Absolu, en vérité celui-là parviendra à l'état sans forme. C'est un principe fondamental.


(19) Le huitième jour de la dixième lune, le Maitre me dit : « Ce que l'on appelle la Cité des Illusions », inclut les deux Véhicules, les dix stages progressifs d'un Bodhisattva, la pleine Illumination, et même la forme la plus élevée d'Illumination qui permet de donner l'éveil spirituel aux autres : tout cela constitue de puissants enseignements pour susciter l'intérêt des gens, mais appartient malgré tout à la « Cité des Illusions ». Ce que l'on nomme le « Lieu des choses précieuses » est le mental réel, l'essence originelle de Bouddha, le vrai soi. Ces choses précieuses ne peuvent être ni mesurées ni accumulées. Cependant, puisqu'en réalité il n'y a ni Bouddha ni êtres sensibles, ni sujet ni objet, où donc peut-il y avoir une « cité » ? Si vous demandiez : « voila la Cité des Illusions, mais où est le Lieu des choses précieuses ? » on ne pourrait vous le montrer, car si cela était possible, il serait localisé et ne pourrait donc pas être le réel « Lieu des choses précieuses »; l'on ne peut rien en dire, si ce n’est qu'il est très proche. Il ne peut être décrit avec exactitude, mais, lorsque sa substance est comprise intuitivement, alors seulement ce lieu existe.


(20) On appelle « Icchantikas » les personnes dont la foi n'est pas complète. On appelle « Icchantikas ayant coupé leurs bonnes tendances » tous les êtres qui, vivant dans l'un des six royaumes de l'existence — y compris les fidèles des écoles Mahâyâna et Hinayâna —, ne croient pas qu'ils sont déjà réellement en possession de la Bouddhéité à l'état virtuel. On appelle « lcchantikas doués de bonnes tendances » les Bodhisattvas qui admettent implicitement la doctrine du Bouddha mais ne reconnaissent pas qu'il y a un grand et un petit Véhicules et n'admettent pas que les Bouddhas et les êtres sensibles possèdent la même Nature. On appelle « auditeurs » les étudiants engagés sur le chemin de l'Illumination par l'audition de la doctrine prêchée. On appelle « Pratyeka Bauddhas » ceux qui perçoivent pour eux-mêmes la loi de la causalité et deviennent ainsi illuminés On appelle « Bouddhas auditeurs » ceux qui n'ont pas reçu l'Illumination de leur propre mental même en atteignant à l'état de Bouddhéité. La plupart de ceux qui étudient la Voie sont illuminés par le Dharma qu'ils ont appris et non par le Dharma de leur propre mental Même après des kalpas d'efforts ils ne s'harmoniseront pas avec leur essence de Bouddha originelle. Tous ceux qui n'atteignent pas l'Illumination par leur propre mental, ou ceux qui l'obtiennent au moyen du Dharma qui leur a été enseigné, n'y parviennent que degré par degré et négligent leur mental réel. Si toutefois ils parviennent à une compréhension intuitive du mental, ils n'auront besoin de chercher aucun Dharma, puisque le mental est le Dharma.


(21) Les perceptions sensorielles empêchent les hommes d'observer leur propre mental, et les phénomènes les empêchent d'observer les principes qui soutiennent précisément ces phénomènes : aussi s'efforcent-ils souvent d'échapper aux perceptions afin de calmer leur mental et rejettent-ils les phénomènes dans l'espoir de se saisir des principes. Ils ne réalisent pas qu'ils obscurcissent ainsi simultanément les perceptions et le mental, les phénomènes et les principes. Si l'on donne au mental la possibilité de se vider, les perceptions se videront d'elles-mêmes, et si l'on arrête l'activité des principes (du mécanisme mental) les objets des sens qui prennent naissance dans le mental cesseront d'eux-mêmes. On ne devrait pas dénaturer l'usage du mental. De nombreuses personnes répugnent à faire le vide dans leur mental de crainte d'être plongées dans cette vacuité, elles ignorent que leur mental réel est dès maintenant vide. L'insensé fuit les objets des sens mais ne fuit pas l'imagination, tandis que le sage fuit l'imagination mais ne fuit pas les objets des sens.


(22) Le mental du Bodhisattva est semblable au vide car il a renoncé à toute chose ; il ne ressent aucun attachement même pour les mérites accumulés par ses actions passées. Le renoncement peut prendre les trois formes qui suivent :

a) Lorsque l'on a renoncé à toute chose, extérieure ou intérieure, corporelle ou mentale, que le mental, pareil au vide, n'a plus aucun objet d'attachement à abandonner ; lorsque tout acte est purement dicté par le lieu et les circonstances, et que l'on ne retient plus les concepts de subjectivité et d'objectivité : voilà la plus haute forme de renoncement. b) Lorsque, d'une part, l'on suit la Voie en accomplissant des actes vertueux ; tandis que, d'autre part, le renoncement se développe, que le mental n'a plus l'espoir d'une récompense : c'est la forme intermédiaire du renoncement.

c) Lorsque l'on se livre à toutes sortes de bonnes œuvres en entretenant l'espoir d'une récompense, mais que la connaissance (intellectuelle) de la vacuité a été acquise par l'audition du Dharma et que suivant cette connaissance l'attachement a cessé : voilà la forme inférieure du renoncement.


La première forme de renoncement se compare à une torche enflammée tenue devant soi ; sa lumière rend impossible toute erreur de chemin. La deuxième forme de renoncement se compare à une torche enflammée que l'on tient sur le côté ; il y a ainsi une partie lumineuse et une partie d'ombre. La troisième est comme une torche enflammée que l'on tiendrait par derrière ; elle n'éclaire pas les pièges que l'on pourrait rencontrer sous ses pas.


(23) Puisque le mental d'un Bodhisattva est semblable à la vacuité. Son renoncement est total. Quand il n'y a plus d'imagination concernant le passé, l'on a le renoncement du passé. Quand l'imagination ne s'applique plus au présent, on a acquis le renoncement du présent. Et lorsque l'imagination ne s'occupe plus de l'avenir, c'est le renoncement du futur. L'ensemble est ce que l'on appelle le complet renoncement au Triple Monde. Depuis l'époque où le Tathâgata confia le Dharma à Kâshyapa jusqu'à maintenant, la transmission mystique s'est poursuivie de mental à mental, bien que tous soient identiques entre eux. Une transmission de la vacuité ne peut s'effectuer avec des paroles, et une transmission en termes concrets ne peul être celle du Dharma. C'est pourquoi la transmission mystique se fait de mental à mental, chaque mental étant identique à tous les autres. Il est difficile d'entrer en contact avec quelqu'un qui soit capable d'accomplir cette transmission, ou d'entrer en contact avec ce qui est transmis ; aussi très peu ont-ils reçu la doctrine. En fait, le mental n'est pas réellement mental et la réception de la transmission n'est pas réellement une réception.


(24) Un Bouddha a trois corps. Par le Dharmakâya l'on entend le dharma de la vacuité et de l'omniprésence du soi réel. Par le Sambhogakâya l'on entend le dharma de la pureté universelle (sous-jacente à la manifestation). Par le Nirmânakâya l'on entend les dharmas des six pratiques qui conduisent au nirvâna et tout autre artifice du même ordre. Le dharma représenté par le Dharmakâya ne peut être recherché par l'intermédiaire de la parole, de l'audition ou des écrits. Rien de ce qui concerne ce dharma n'est traduisible en paroles ou ne peut être rendu évident. C'est la vacuité et l'omniprésence de notre Nature propre, et rien de plus. C'est pourquoi : affirmer qu'il n'y a pas de dharma exprimable en paroles revient à exprimer le dharma en paroles. Le Sambhogakâya et le Nirmânakâya correspondent tous deux aux différents niveaux de compréhension des individus. Les dharmas transmis par la parole, qui — à l'aide des sens — répondent aux circonstances matérielles avec lesquelles ils s'accordent en se révélant sous différentes formes, ne sont pas le Dharma réel. Ainsi, il est dit que le Sambhogakâya et le Nirmânakâya ne sont ni le Bouddha réel, ni les dharmas exprimés en paroles.


(25) Le mot « unité » se rapporte à l'universelle splendeur spirituelle différenciée en six éléments harmonieusement mélangés. L'universelle splendeur spirituelle est le Mental cosmique, tandis que les six éléments harmonieusement mélangés sont les six organes des sens.

Mais chacun des six organes des sens va de pair avec un objet correspondant qui le corrompt : l'œil avec la forme, l'oreille avec son, le nez avec l'odeur, la langue avec le goût, le corps avec le toucher et le mental avec les objets de la pensée. Du contact de ces organes et des objets correspondants jaillissent les perceptions sensorielles. Le tout forme les dix-huit royaumes des sens. Pour l'être illuminé, ces dix-huit royaumes des sens n'ont pas d'existence objective, et les six éléments harmonieusement mélangés sont unis dans l'universelle splendeur spirituelle qui est le Mental cosmique. Ceux qui étudient la Voie le savent, mais ils ne peuvent éviter de baser leurs conceptions sur l'universelle splendeur spirituelle et sur les six éléments harmonieusement mélangés. En conséquence, ils restent enchaînés à l'état objectif, et ils ne parviennent pas à la compréhension intuitive du mental originel.


(26) Lorsque le Tathâgata était en vie, il souhaitait prêcher le Véhicule de la Vérité, mais les gens ne l'auraient pas cru et, le raillant, ils se seraient plongés dans une mer de douleur. Par ailleurs, s'il s'en était tenu à un silence égoïste, il n'aurait pas pu prêcher largement la connaissance de la Voie mystérieuse pour le plus grand bien de tous les êtres sensibles. C'est ainsi qu'il adopta comme moyen terme la prédication des Trois Véhicules. Cependant, comme ces Véhicules contiennent à la fois le meilleur et le moins bon, inévitablement leur enseignement, dans son ensemble, est à la fois profond et superficiel. Aucun d'eux ne représente le Dharma réel. C'est pourquoi il est dit qu'il n'y a qu'une seule Voie. Là où il y a division et différenciation, la vérité n'est pas. En tous cas, il n'y a aucune façon d'exprimer le Mental cosmique. Voilà la raison pour laquelle le Tathâgata appela Mahâ-Kâshyapa sur le Siège de la Loi et lui donna l'ordre de pratiquer séparément cette branche du Dharma, disant que, lorsque l'on atteint la compréhension intuitive de ce Dharma, l'on obtient l'état de Bouddhéité.


(27) QUESTION : « Quelle est la Voie, et que doit-on faire pour la suivre ?

RÉPONSE : « La Voie est-elle une chose objective pour que vous désiriez la suivre ? » QUESTION : « Quels sont les enseignements transmis par les différents Maîtres pour pratiquer dhyâna et étudier la Voie ? »

RÉPONSE : « Il ne faut pas se fier aux paroles utilisées afin d'attirer les gens à l'intelligence obtuse. »

QUESTION : « Si ces enseignements sont destinés à attirer les gens d'intelligence obtuse, je n'ai pas entendu le Dharma destiné aux personnes de haute valeur. » RÉPONSE : « Si ces personnes ont vraiment de hautes capacités, qui trouveraient-elles pour les diriger ? Si elles cherchaient à l'intérieur d'elles-mêmes, elles ne trouveraient rien de tangible ; elles trouveraient encore moins si elles cherchaient ailleurs. Vous ne devriez prêter aucune attention à ce qui est désigné comme Dharma dans les enseignements destinés à d'autres, car, quelle sorte de Dharma est-ce là ? » QUESTION : « Ne devrions-nous donc rien chercher du tout ? »

RÉPONSE : « Voilà un point de vue qui, si vous l'adoptez, vous épargnera un gros effort mental. »

QUESTION : « Si toute chose se trouve ainsi éliminée, est-il possible qu'il n'y ait rien ? »

RÉPONSE : « Qui enseigne qu'il n'y a rien ? Quel est ce rien ? D'après votre question, vous voulez « chercher » quelque chose ? »

QUESTION : « Si la recherche est inutile, pourquoi dite-vous que nous ne devons rien éliminer ? »

RÉPONSE : « Ne cherchez pas, cela suffit. Qui vous dit d'éliminer quoi que ce soit ? Regardez la Vacuité, juste en face de vous. Comment feriez-vous pour l'éliminer ? » QUESTION : « Ce Dharma se révélera-t-il semblable à la Vacuité, si je l'obtiens ? » RÉPONSE : « Quand vous ai-je dit que la Vacuité était semblable ou différente de quoi que ce soit ? Je vous ai parlé de « Vacuité » en manière d'expédient temporaire, mais vous, vous raisonnez en prenant cet expédient à la lettre. »

QUESTION : « Estimez-vous qu'il ne faut pas raisonner ainsi ? »

RÉPONSE : « Je ne vous en empêche pas, mais le raisonnement est lié à l'attachement. Lorsque apparaît l'attachement, la sagesse disparaît. »

QUESTION : « N'est-il donc pas permis à l'attachement d'apparaître à propos de notre recherche du Dharma ? »

RÉPONSE : « Si aucun attachement n'apparaît, qui pourra distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux ? »

QUESTION : « Où était l'erreur dans les questions que je viens de poser à votre Révérence ? »

RÉPONSE : « Vous êtes l'un de ceux qui ne comprennent pas ce qu'on leur dit. A propos de quoi parlez-vous d'erreur ? »


(28) QUESTION : « Tout ce que vous avez dit jusqu'ici n'était que réfutation, aucune de vos paroles n'était une indication sur la nature du vrai Dharma. »

RÉPONSE : « Il n'y a pas trace de confusion dans le vrai Dharma, mais, par votre question, vous créez la contusion en vous-même. Quel « vrai Dharma » cherchez-vous donc ? »

QUES'T'ION : « Puisque ma question a fait naitre la confusion, quelle réponse votre Révérence donnera-t-elle à mon problème ? »

RÉPONSE : « Observez les choses telles qu'elles sont et ne vous préoccupez pas d'autrui. » Il ajouta : « Considérez l'exemple d'un chien furieux qui aboie après tout ce qui bouge ; il aboie de même après les feuilles et les herbes agitées par le vent. »


(29) En ce qui concerne notre secte Dhyâna, et depuis le début de la transmission de la Doctrine on n'a jamais recommandé aux étudiants de rechercher la connaissance empirique, ni de se préoccuper d'expliquer les faits. Nous parlons seulement « d'étudier la Voie », et nous utilisons cette expression simplement pour éveiller l'intérêt des gens. En fait, la Voie ne peut être étudiée. Si on adoptait pour cette étude les principes utilisés par la méthode scientifique, la conception de la Voie à laquelle on aboutirait ne serait qu'un malentendu. De plus, on ne peut déterminer un lieu où « localiser » la Voie (commune on le ferait d'un objet). On la connait aussi sous le nom de Mental- Mahâyâna, on ne peut la découvrir ni à l'extérieur, ni à l'intérieur, ni au milieu. Vraiment la Voie ne Peut être localisée. Surtout, ne conservez à ce sujet aucune conception basée sur la connaissance empirique. Cela revient à dire que, si vous poursuiviez l'emploi de la méthode empirique jusqu'à son extrême limite, l'ayant atteinte, vous seriez encore incapable de localiser le mental. La Voie est l'immortelle Vérité ; depuis le commencement Elle est sans nom. Plongés dans l'illusion des concepts empiriques, les gens étaient incapables de comprendre la Voie, et c'est afin de détruire leur ignorance que les Bouddhas apparurent. Cette dénomination de « Voie » fut donnée de crainte que, sans un nom, aucun d'entre vous ne comprit, mais il ne faut en tirer aucune déduction. Voilà pourquoi on dit : « Lorsque le poisson est pris, on ne pense plus au piège ». L'on atteint la Voie et l'on comprend le Mental cosmique lorsque le corps et le mental restent dans leur état naturel. Un Sramana est appelé ainsi, parce qu'il a pénétré jusqu'à la source originelle. Les fruits de cet état s'obtiennent non par l'étude, mais par la cessation de l'inquiétude temporelle.


(30) Si vous entreprenez d'utiliser le mental pour chercher le mental, et si, vous appuyant sur autrui, vous espérez le trouver par des études, quand donc réussirez-vous ? Jadis, les hommes avaient un mental aigu ; ils abandonnaient l'élude dès qu'ils entendaient une seule phrase du Dharma, c'est ainsi qu'ils furent nommés : « Les sages qui, abandonnant l'étude, restent dans leur état naturel. » De nos jours, les gens ne se préoccupent que d'emmagasiner des connaissances et des raisonnements, ils mettent leur confiance dans les écrits, c'est ce qu'ils appellent : pratiquer le Dharma. Ils ne se doutent pas que, bien au contraire, trop d'études et de déductions deviennent des obstacles. Accumuler simplement une grande quantité de connaissances, sans les assimiler, ressemble à l'acte d'un enfant qui mangerait du lait caillé sans avoir la moindre idée de la quantité qu'il pourra digérer. Ceux qui étudient la Voie selon la méthode des Trois Véhicules sont dans le cas de cet enfant ; le moins que l'on puisse dire est qu'ils souffrent d'indigestion. Lorsque les connaissances et les déductions ne sont pas digérées, elles sont toutes des poisons. Les personnes qui agissent ainsi limitent leurs recherches au monde phénoménal et transitoire ; dans l'Absolu, il n'y a rien de semblable. Ainsi est-il dit : « Dans l'armurerie de mon souverain, il n'y a pas d'épée de cette sorte. » Tous les raisonnements que vous avez faits dans le passé deviendront finalement vides ; lorsque toute distinction a disparu, l'on arrive à la vacuité semblable à « la matrice des Tathâgatas », il n'y a pas la plus petite parcelle de quoi que ce soit de tangible. C'est pourquoi celui qui réfuta la notion d'existence objective, le Roi du Dharma, se manifesta lui-même dans le monde et dit : « Lorsque j'étais aux cotés de Dipamkara Bouddha, il n'y avait pas pour moi la moindre parcelle de Dharma à obtenir. » Ces paroles avaient pour but de réduire à néant toutes les connaissances empiriques de ceux à qui elles s'adressaient. Seul, celui qui abandonne jusqu'au dernier vestige de ses connaissances empiriques ne leur accordant aucune confiance, seul celui-là peut transcender le monde phénoménal. L'enseignement des Trois Véhicules ressemble à un filet (déployé pour empêcher les êtres de s'égarer dans leurs jugements), qui prend la forme d'un remède (antidote) valable pour tous les problèmes. Cet enseignement a été formulé en vue des nécessités de l'époque ; ainsi, c'est un édifice temporaire, adaptable à chacun. Si seulement cela était compris, il n'y aurait plus de doute sur son utilité. Par-dessus tout, il est faux de s'emparer d'un enseignement déterminé, convenant à une occasion particulière, de le mettre par écrit et de l'utiliser ensuite comme s'il s'agissait d'une déduction infaillible. Pourquoi cela ? Parce qu'en réalité, il n'existe pas de Dharma immuable que le Tathâgata eût pu prêcher. Jamais ceux qui appartiennent à notre secte n'affirmeraient une telle chose. Nous savons simplement comment arrêter l'imagination et par là obtenir le calme. Commencer par penser et finir dans la perplexité n'est pas notre façon de procéder.


(31) QUESTION : « De tout ce que vous venez de dire, il ressort que le mental et le Bouddha sont un, mais il ne m'apparaît pas clairement quel mental est le Bouddha ? » RÉPONSE : « Combien de mentals avez-vous ? »

QUESTION : « Est-ce le mental ordinaire ou le mental spirituel qui est le Bouddha ? » RÉPONSE : « Comment pouvez-vous avoir un mental ordinaire et un mental spirituel ? »

QUESTION : « Suivant l'enseignement des Trois Véhicules, nous avons ces deux mentals. Pourquoi votre Révérence a-t-elle une autre opinion ? »

RÉPONSE : « Si, selon vous, les Trois Véhicules distinguent nettement deux mentals, ils sont en désaccord avec la vérité. Vous n'avez pas encore compris. Toute conception de caractère objectif telle que : « la vacuité existe réellement », est forcément une altération de la vérité. L'ignorance a son origine dans ce genre d'erreur. Si vous parveniez seulement à surmonter les conceptions d' « ordinaire » et de « spirituel » vous vous apercevriez qu'en dehors du mental il n'y a pas de Bouddha. Bodhidharma, à son arrivée des Indes, enseigna uniquement que la substance de tous les hommes est le Bouddha, mais vous ne comprenez pas encore, et vous persévérez à penser en termes d' « ordinaire » et de « spirituel », vous permettez à vos pensées d'obscurcir votre mental en bondissant dans le monde des formes. Dès que vous commencez à réfléchir sur ce que je viens de vous dire, « le mental est le Bouddha », l'attachement commence, et vous retombez aussitôt dans différentes formes de réincarnation. Le passé sans commencement et le présent sont identiques. Les choses ne diffèrent pas entre elles. La compréhension de cette non-différenciation est l'Illumination complète et parfaite. » QUESTION : « Quels sont les principes qui servent de base aux affirmations de votre Révérence ? »

RÉPONSE : Quels principes cherchez-vous ? On se détourne du Mental cosmique dès qu'un principe est établi.

QUESTION : « A quels principes faisiez-vous allusion à l'instant, à propos du passé qui se distend dans l'éternité sans se différencier du présent ? »

RÉPONSE : « Par votre recherche de principes, vous créez vous-même cette différenciation entre le passé et le présent. Si vous cessiez de chercher, comment pourrait-il y avoir une différence quelle qu'elle soit ? »

QUESTION : « Si l'un et l'autre sont identiques, pourquoi en parle-t-on séparément ? » RÉPONSE : « Si vous n'aviez pas fait cette différence illusoire entre « ordinaire » et « spirituel », personne n'en aurait parlé. En réalité, de telles choses n'existent pas. Même le mental n'est pas vraiment le mental. Si vous constatez que tout cela n'est qu'illusion, où donc espérez-vous trouver quelque chose ? »


(32) QUESTION : « Peut-être l'ignorance obstrue-t-elle la compréhension du mental, mais vous ne m’avez pas encore expliqué de quelle manière on peut s'en débarrasser. » RÉPONSE : « Tout d'abord : permettre à l'ignorance de naitre et ensuite chercher à s'en défaire sont deux actes qui appartiennent à l'ignorance. L’ignorance n’a pas de fondement, en fait elle s’élève de vos distinctions. Si vous vouliez mettre fin à des concepts opposés tels que « ordinaire » et « spirituel », l'ignorance cesserait d’elle-même. Lorsque vous lui permettez de s’élever ou lorsque vous cherchez à la détruire, il n’y a rien, pas la moindre chose que l'on puisse saisir. C'est le sens de cette maxime : « En abandonnant tout, je trouverai certainement le Bouddha. »

QUESTION : « Puisqu'il n'y a rien de tangible, comment le Dharma peut-il être transmis ?

RÉPONSE : « Il est transmis de mental à mental. »

QUESTION : « Si l'on utilise le mental dans ce but, comment peut-on dire que le mental n’existe pas ? »

RÉPONSE : « N'obtenir absolument rien, c'est ainsi que l’on évoque la réception de la transmission de mental à mental. La compréhension du mental suppose la réalisation qu'il n'y a ni mental ni Dharma. »

QUESTION : « S’il n’y a ni mental ni Dharma, qu’entendez-vous par « transmission » ? »

RÉPONSE : « En entendant parler de transmission de mental à mental, tout le monde s'imagine qu'il y a là quelque chose à obtenir. C'est pourquoi Bodhidharma a dit : « Lorsque l'on comprend la nature du mental aucune parole humaine ne peut circonscrire ni révéler cette Nature. L'Illumination ne s'acquiert pas, Celui qui l'atteint ne dit pas qu'il sait. » « Si je pouvais faire en sorte que le sens réel de cette parole vous apparaisse clairement, je doute que vous puissiez supporter la révélation d'une telle connaissance. »


(33) QUESTION : « La vacuité qui s'étend devant nos yeux n'est-elle pas objective ? C'est alors, sans aucun doute, désigner le monde extérieur comme le lieu où l'on peut voir le mental. »

RÉPONSE : « Quelle sorte de mental pourrais-je bien vous dire de chercher dans le domaine objectif ? Si même je pouvais vous le montrer, ce ne serait là que sa réflexion. Si l'on regarde son visage clairement réfléchi dans une glace, ce n'est jamais qu'une image réfléchie. De quelle valeur sont ces idées dans la discussion ? »

QUESTION : « Si rien ne nous est révélé au moyen d'images réfléchies, verrons-nous jamais quelque chose ? »

RÉPONSE : « Aussi longtemps que vous vous occuperez de « moyen », vous dépendrez toujours de faux instruments. Quand réussirez-vous ? N'avez-vous pas entendu répéter : « Abandonnez toutes choses comme si rien ne vous appartenait, vous gaspillez vos forces à faire le fanfaron. »

QUESTION : « Les images réfléchies sont-elles dénuées d'existence pour celui qui comprend ? »

RÉPONSE : « Si rien de matériel n'a d'existence, comment une image réfléchie pourrait-elle avoir quelque utilité ? Attendez-vous que vos yeux soient ouverts pour cesser de marmonner en dormant ? » Entrant dans le hall public, le Révérend dit : « On ne peut comparer en excellence le simple abandon de la recherche avec la plus grande érudition. Le sage est celui qui se place lui-même à l'écart de tout ce qui appartient au monde objectif. Il n'y a pas différentes sortes de mental et aucune doctrine ne peut être enseignée. » Chacun des assistants se retira alors car il n'y avait plus rien à dire.


(34) QUESTION : « Que doit-on entendre par « vérités de ce monde ? »

RÉPONSE : « Qu'attendez-vous de telles futilités ? Toutes choses sont pures par essence ; pourquoi utiliser dans la discussion des figures de langage erronées ? Celui qui est au delà des imaginations, celui-là atteint le détachement dans la sagesse. Chaque jour, en marchant, debout, assis ou couché, dans chacune de vos paroles, soyez détaché des objets du monde phénoménal. En parlant, ou simplement en clignant la paupière, que chacun de vos actes soit accompli sans attachement. Nous entrons maintenant dans la dernière des Trois Périodes et la plupart de ceux qui étudient la doctrine dhyâniste s'attachent aux sons et aux formes. Pourquoi ne font-ils pas comme moi ? Laissez aller chacune de vos pensées comme si elle était vide, comme si elle n'était que pourriture, ou pierre, ou cendre d'un feu depuis longtemps éteint, ou bien alors accordez-lui juste l'attention superficielle appropriée aux circonstances. Si vous n'agissez pas ainsi alors que vos jours sont comptés, vous serez destiné aux tortures de Yama. Retirez-vous complètement de l'être et du non-être (c'est-à-dire du monde phénoménal) ; que votre mental soit semblable au soleil qui voyage éternellement à travers le vide de l'espace et brille sans intention déterminée. Ce n'est certes pas une chose à laquelle on parvienne sans effort. Quand vous atteindrez cet état où il ne reste absolument rien à quoi se raccrocher, vous agirez comme agissent les Bouddhas et en parfait accord avec cette maxime : « La pensée doit jaillir d'un état de détachement total », car c'est l'état de votre pur Dharmakâya, c'est-à-dire de l'Illumination suprême et parfaite. Si vous êtes incapable de comprendre cela, bien que, par vos études, vos efforts douloureux et une vie d'ascèse, vous ayez acquis des connaissances étendues, vous ne pourrez malgré tout réaliser la nature de votre mental. Tout ce que vous ferez sera, pour ainsi dire, nuisible, et vous rejoindrez inévitablement la famille de Mira. Quel profit tirerez-vous de ce genre de travail ? C'est ainsi que Chili Kung disait : « Le Bouddha fut, primitivement, créé par votre mental ; comment pouvez-vous maintenant Le chercher dans les écrits ? » Vous étudiez la manière de parvenir aux Trois Degrés de l'état de Bodhisattva, aux Quatre Degrés de la Sainteté, aux Dix Etapes progressives au Bodhisattva vers l'Illumination ; mais même lorsque votre mental sera saturé de ces études, vous continuerez à établir des distinctions entre « ordinaire » et « spirituel ». Rester aveugle à l'évanescence des degrés qui s'étagent le long de la Voie équivaut à demeurer dans le monde des phénomènes qui apparaissent et disparaissent ».


« Son élan épuisé, la flèche tombe à terre. Qui sait si la vie que vous élaborez comblera vos espoirs ? Comme elle est éloignée de la Voie transcendantale D'où l'on atteint d'un bond La rive du nirvâna ! »


« C'est parce que vous ne ressemblez pas à l'auteur de ces lignes que vous insistez pour étudier les méthodes établies par les hommes d'un lointain passé, afin d'obtenir d'eux des connaissances et des raisonnements explicatifs. Chih Kung a dit : « Si vous ne rencontrez pas un Maitre véritable, ayant dépassé toutes les œuvres de ce monde, c'est en vain que vous étudierez tout le Mahâyâna ».


(35) Si vous êtes constamment concentré sur l'élimination des mentations, en marchant, debout, assis ou couché, avec le temps vous découvrirez inévitablement la Vérité. C'est en raison de l'insuffisance de vos forces que vous ne pouvez franchir le monde des phénomènes d'un seul bond ; mais, après trois, cinq ou dix ans, vous aurez certainement déjà progressé et vous serez en mesure d'éliminer spontanément toute imagination. C'est parce que vous êtes incapable de réaliser cette élimination que vous éprouvez la nécessité d'occuper votre mental à « étudier dhyâna » et à « étudier la Voie ». Comment le Dharma pourrait-il vous aider ? Il est dit : « Tout ce que le Tathâgata a dit n'avait pour but que de calmer les hommes ». C'est ainsi que l'on arrête les pleurs d'un enfant en lui donnant des feuilles jaunes pour de l'or ; en définitive c'est irréel. Si vous êtes captif de cette illusion, vous n'êtes pas un membre de notre secte, et quel rapport cela a-t-il avec votre soi réel ? Il est écrit dans le Sûtra : « Savoir qu'il n'existe en réalité pas la moindre chose à laquelle s'accrocher, voilà la parfaite et suprême sagesse ». Si vous en comprenez la signification, vous vous rendrez compte que la voie des Bouddhas et celle des Démons sont également fausses. En réalité, chaque chose est pure et resplendissante, aucune n'est carrée ni ronde, ni grande ni petite, ni longue ni courte, chaque chose est au delà des passions et des phénomènes, de l'ignorance et de l'Illumination. Lorsque l'on perçoit cette réalité, on voit clairement qu'il n'est absolument rien d'objectif : ni les êtres humains ni les Bouddhas. Les myriades de mondes, innombrables comme les grains de sable, ne sont que des bulles dans l'océan. La sagesse et la sainteté n'ont pas plus d'importance qu'un éclair de lumière. Rien de tout cela n'est comparable à la réalité du mental. De tout temps le Dharmakâya a été identique aux Bouddhas et aux Patriarches ; comment pourrait-il lui manquer quoi que ce soit ? Si vous le compreniez, vous feriez d'énergiques efforts, car, jusqu'à votre dernière heure, vous resterez dans l'incertitude de savoir si, après chaque expiration qui s'échappe de vos narines, vous vous trouverez encore en vie pour reprendre une inspiration.


(36) QUESTION : « Hui Neng était incapable de lire les sûtras, pourquoi a-t-il reçu la robe et été consacré patriarche ? Shen Hsui, l'Ancien, était le chef et l'instructeur de cinq cents hommes, il pouvait discourir sur trente-deux sûtras. Pourquoi n'a-t-il pas reçu la robe ? »

RÉPONSE : « Parce que Shen Hsui n'avait pas éliminé les imaginations, il n'avait donc pas transcendé les phénomènes. Il a obtenu dans la mesure de ce qu'il a pratiqué, mais tout ce qu'il avait acquis appartenait au monde des phénomènes. Par conséquent, c'est à Hui Neng, le 6e Patriarche, que le 5e Patriarche transmit le Dharma ; à l'instant de la transmission, Hui Neng atteignit la compréhension intuitive. La plus profonde pensée du Tathâgata fut ainsi secrètement transmise et c'est pourquoi le Dharma lui fut confié. Ne voyez-vous pas que l'enseignement essentiel du Dharma est la négation de l'existence absolue des êtres et des choses, mais cela même qui est impersonnel (dans l'Absolu) est individualisé (dans le relatif). On peut dire de celui qui est apte à comprendre cet enseignement qu'il est un vrai moine, car il est capable de mettre la doctrine correctement en pratique. Si vous n'ajoutez pas foi à cela, expliquez l'histoire de Wei Ming lorsque celui-ci se rendit au sommet de Ta Yu pour y rencontrer le 6e Patriarche. Ce dernier demanda à Wei Ming: « Pourquoi êtes-vous venu, est-ce pour la robe ou pour le Dharma ? » Et comme Wei Ming répondait : « Non pour la robe, mais pour le Dharma », le 6e Patriarche continua : « Concentrez vos pensées un moment, ne pensez ni en termes de bien, ni en termes de mal (c'est-à-dire : pensez sans attachement) Ming fit ainsi. Alors le 6e Patriarche lui dit : « Au moment où vous ne pensez ni en termes de bien, ni en termes de mal, à cet instant même retournez à votre état originel avant la naissance de vos père et mère ». Et Wei Ming, le temps de prononcer une syllabe, atteignit soudain à la compréhension intuitive de la Réalité. Se prosternant, il dit : « Maintenant je suis comme un homme qui boit de l'eau et découvre spontanément sa fraîcheur ou sa tiédeur. J'ai vécu parmi les disciples du 5e Patriarche, luttant inutilement pendant trente ans, c'est aujourd'hui seulement que je perçois mes erreurs premières ». Le 6e Patriarche répondit : « C'est ainsi, maintenant vous savez pourquoi Bodhidharma, à son arrivée des Indes, s'adressa directement au mental des hommes, afin qu'ils puissent percevoir leur nature réelle et devenir des Bouddhas, car il ne se fiait pas aux paroles. Lorsque Ananda demanda à Mahâ-Kâshyapa ce que « Celui que le monde vénère » lui avait transmis, à part la robe d'or, n'avons-nous pas vu comment celui-ci s'écria : « Aranda ! » et, à la respectueuse réponse d'Ananda, il poursuivit: « Jette à terre le drapeau du monastère, ce sera un exemple de la façon dont on doit traiter les Patriarches ». Le sage Ananda avait servi le Bouddha pendant trente ans. Parce qu'il était trop instruit, le Bouddha le grondait, disant : « Rechercher la connaissance pendant mille jours ne se compare pas à l'étude de la voie correcte durant un seul jour. Si vous ne l'étudiez pas, même une goutte d'eau sera difficile à digérer. »


 

Source:

Livre: Le Maître Hsi Yun. Le Mental cosmique : Selon la doctrine de Huang Po, selon les annales de Pei Hsiu... Traduit de l'anglais par Y. Laurence.

Préface du Swami Siddheswarananda.

Introduction du Dr Hubert Benoit

Editions: Adyar

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