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Le cercle chromatique comme phénomène d'apparition du divin chez Robert Fludd et Geothe


Colorum annulus de Robert Fludd

L’Anglais Robert Fludd présente dans une œuvre médicale le premier cercle chromatique imprimée. Son "anneau des couleurs" prévoit une division en sept secteurs et montre ainsi sa filiation avec la représentation linéaire d’Aristote. Robert Fludd part de sa conviction fondamentale d’une dualité métaphysique qui se manifeste sur la terre par les pôles opposés de la lumière et de l’ombre. Son "anneau des couleurs" sert à rapporter chaque couleur à cette dualité. Il établit comme principe que les couleurs ne sont pas le fait du hasard ("comme les anciens philosophes le pensaient encore"), mais qu’il s’agit ici d’essences que le Créateur a insufflé à ses créatures. Les couleurs des choses font partie de leur constitution élémentaire. La cosmologie, la théologie, la physique ne sont pour Fludd que les aspects d'une seule et même science totale, qu'il a parfois appelée la "philosophie mosaïque".


Pour notre auteur, c'est l'opposition de la lumière, qualité noble et pure, immatérielle, et des ténèbres matérielles qui produit l'univers. Il développe donc une vision du monde spiritualiste avec un principe formel et immatériel, et un principe matériel passif. Mais l'originalité de Fludd est que la lumière et les ténèbres peuvent se mélanger selon une certaine proportion, donnant ainsi naissance au monde physique. Toute la chromatique des êtres devient donc un symbole de leur ipseité. Dieu est Inconnaissable, Il est incolore, et Il devient "visible" et ne peut apparaître qu'à travers les couleurs. Nous passons donc de l'Unité à la dualité chromatique.


La lumière de Fludd n'est pas la lumière morte des aristotéliciens, c'est un feu vivant, une substance qui crée la vie. Ici Fludd reprend l'idée très ancienne du Timée de Platon et du Corpus Hermétique : le monde est un être vivant, qui comme tout être vivant a un corps et une âme. Cette âme pour Fludd, c'est la lumière première de l'Empyrée, dont le feu subtil et presque immatériel pénètre toutes les autres sphères pour leur distribuer la lumière créatrice de vie. C'est entre autre elle qui fait mouvoir les sphères astrales, expliquant ainsi la cause des mouvements célestes. Cette lumière première, mêlée à la matière terrestre, donne ensuite naissance aux êtres vivants et à l'homme. Se référant à une division canonique chez les néoplatoniciens, Fludd nous dit que l'homme est composé d'un intellect, d'une âme rationnelle, d'une âme irrationelle et d'un corps. Les deux extrêmes, l'intellect et le corps, correpondent, comme dans le macrocosme à la lumière pure et aux ténèbres pures. L'intellect humain est, en effet, pour Fludd la présence de la lumière incréée de la divnité dans l'homme, selon une tradition qui remonte au néoplatonisme antique, en passant par la mystique rhénane. Le corps est au contraire un composé transitoire des 4 éléments.


Colorum annulus de Robert Fludd

C'est ainsi que l'agencement du cercle chromatique de Fludd indique, en fait, les degrés d'ombre et de lumière qui existent dans l'univers. Nous pouvons approcher ce cercle chromatique de celui de Geothe, dans lequel l'illustre allemand percevait également une métaphysique de l’être. Pour Goethe, par le caractère même de la vie, les choses ne sont pas, mais deviennent ; il le répètera à propos des couleurs physiques ou couleurs de lumière et d’ombre. Dans sa Botanique, il établit les concepts d’opposition et de polarité, versions du principe fondamental de dualité. Il cherche à ramener la multiplicité des phénomènes à l’unité de l’"Urpflanze", à la fois image et concept de la "Plante primordiale". Par la suite, cette idée de la Plante primordiale sera généralisée sous l’appellation de "Phénomène primordial" (Urphänomen), concept fondamental dans la théorie des couleurs.


Cercle chromatique de Goethe



Cercle chromatique de Goethe



D’autre part, la transformation des plantes se fait selon un mouvement rythmique d’expansion et de contraction: "pourquoi les germes de la racine se développent-ils vers le bas, et ceux des feuilles vers le haut ? — nous disons que selon le dualisme général de la nature spécifié en eux, ils sont opposés les uns aux autres". Cette polarité et cette pulsation régissent l’ensemble de la nature, comme on le voit en physique avec l’électricité et le magnétisme, puis dans les phénomènes chromatiques.


La lumière est pour Geothe l’image même de l’Unité. Il associe à de nombreuses reprises l'oeil et la lumière. En associant l’œil à la lumière, il cite des paroles dont l’origine remonte à Plotin, reprises ensuite par Jakob Böhme ; il lui attribue même un caractère divin: "Si l'œil n'était pas solaire, / Comment apercevrions-nous la lumière ? / Si ne vivait pas en nous la force propre de Dieu, / Comment le divin pourrait-il nous ravir ?". Le rapport de la lumière à la couleur est donc celui du céleste au terrestre: "Eternelle unité, demeure là-bas auprès de l’Un éternel ; changeante couleur, descend aimablement jusqu’à l’homme."


Seule la lumière peut connaître la Lumière.


 

Sources :


Titre : Robert fludd. philosophe hermetique et arpenteur de deux mondes.

Auteur : Joscelyn Godwin

Editions : Un livre de la vue


Titre : Traité des couleurs : accompagné de trois essais théoriques

Auteur : Goethe

Editions : Triades

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